Le Commentaire

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“Pyramides” par Baptist-Agostini Croce, ou le spleen aux multiples visages

Pour son premier roman, le réalisateur et futur avocat dévoile son premier projet littéraire : l’histoire d’un jeune homme étranger de sa propre vie, rongé par ses angoisses. 

Le doute. Voilà ce qui peut résumer la situation d’Antoine, héros du premier roman de Baptist Agostini-Croce. À 24 ans, il signe une œuvre à l’image de son personnage principal : corrosive, excessive, violente, tourmentée.

Dans Pyramides, l’écriture ne connaît pas de temps mort : elle suit le rythme des sentiments d’Antoine, dont les angoisses, les colères et les émotions sont poussées à l’extrême. Une introspection sous forme de journal intime d’un gamin de 20 ans, prisonnier d’une vie qui n’est pas la sienne. De sa Corse natale, il se retrouve propulsé dans la capitale parisienne. Une ville bien trop grande pour lui avec un environnement qui l’étouffe et qui accentue ses doutes déjà présents.

La loi du moins faible

Avec un style direct – parfois cru –  l’auteur dévoile la vie d’Antoine dans son intimité la plus profonde. Assailli par un mal-être qui le suit tout au long du roman, le héros tente de cultiver sa différence tout étant frappé d’un éternel sentiment d’inachevé. 

Je voulais raconter l’histoire d’un type de ma génération, insatisfait dans tout ce qu’il entreprend et pris dans un jeu malsain avec d’autres personnes, toutes aussi torturées que lui”, souligne Baptist Agostini-Croce.

C’est un chassé-croisé entre des individus qui luttent pour ne pas être le plus faible, sans évoquer explicitement les sentiments qu’ils éprouvent mutuellement. Antoine enchaîne alors les relations, essaye de construire des histoires avec la peur de ne pas être l’homme providentiel : “Voilà sans doute la curieuse vérité : faire du bien gonfle mon ego surdimensionné et provoque au fond de mes entrailles le sentiment de servir à quelque chose. Je réalise au fur et à mesure de mon existence que je suis une personne pour qui donner du bonheur est un pur acte d’égoïsme.” (extrait du livre)

Ce personnage-là, son plus grand problème c’est qu’il se lasse de tout, mais sa plus grande peur, c’est qu’on se lasse de lui.” 

Baptist Agostini-Croce

Avec la mise en avant du bonheur impossible pour celui qui ne manque de rien, Pyramides est un brûlot décrivant une génération étrangère à toute forme de mesure ou de nuance ;  où l’expression des émotions est perçue comme une faiblesse : “Alors, on souffre en silence en attendant que tout explose, que l’inadéquate bande-son de notre film se réduise jusqu’à disparaître, étouffée par les répliques tranchées des mauvais comédiens que nous sommes

Pour Baptist Agostini-Croce, l’enjeu était avant tout de décrire le quotidien d’un jeune adulte qui ne sait pas prendre de recul, bien que très attaché au regard des autres : “Ce personnage-là, son plus grand problème c’est qu’il se lasse de tout, mais sa plus grande peur, c’est qu’on se lasse de lui”. 

Mais Pyramides ne saurait se résumer à la simple diatribe d’un protagoniste en manque de repères. Si les mots de ce dernier peuvent parfois s’avérer d’une grande violence – notamment lorsqu’il se retrouve seul face à son miroir – il n’en demeure pas moins un personnage attachant, doté d’une extrême sensibilité : “Ce garçon, je le regarde et je le dévisage. Il mériterait que je lui fracasse la mâchoire sous la violence de mes coups, que je lui perfore les poumons en sautant à pieds joints sur son pauvre thorax, que je lui brise les hanches, lui retourne les phalanges, lui mette le feu pour le voir brûler dans la nuit noire.” 

Lorsqu’on l’interroge sur ses inspirations littéraires, Baptist Agostini-Croce évoque principalement Bret Easton Ellis, dont le premier roman “Moins que Zéro” raconte l’histoire d’une jeunesse dorée, blasée par tout ce qu’elle entreprend. Une référence qui se fait ressentir tout au long de Pyramides, y compris dans la manière de traiter les souvenirs d’Antoine. 

Musclé et éprouvant, le premier roman de Baptist Agostini-Croce ne se contente pas de raconter les déceptions sentimentales de son héros principal. C’est une œuvre osée qui, peu importe les émotions qu’elle fera ressentir à son lecteur, ne le laissera pas indifférent. 

Laurent Di Fraja

“Pyramides” de Baptist Agostini-Croce / 176 pages / Editions Maïa – 18 € TTC 

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