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Le Commentaire

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Le populisme en Europe : un mouvement en plein essor

Une définition complexe

Le terme « populisme » trouve son origine au XIXe siècle : en Russie depuis les années 1860 (un mouvement d’opposition des intellectuels russes au tsarisme) et aux États-Unis dans les années 1890 (un mouvement de protestation des ouvriers et des agriculteurs contre le développement économique inégalitaire du pays)

Pour tenter de définir le populisme, nous avons choisi de nous référer à la définition donnée par le philosophe Pierre Rosanvallon.

Pour Rosanvallon, l’enjeu du populisme soulève des questions démocratiques essentielles : celle d’un peuple « un », alors que celui-ci est un ensemble d’individus et de groupes aux intérêts divergents et opposés. En effet, dans la démocratie, le peuple n’a en effet plus de forme : il devient une force composée d’égaux, d’individualités identiques sous le règne de la loi.

Pierre Rosanvallon © Wikipedia

Selon lui, il faut partir des inégalités pour penser le populisme. Il naît sur le terrain d’une crise. Il s’appuie sur un sentiment d’impuissance, d’absence de solutions envers le régime démocratique. C’est pour cela qu’on ne peut pas seulement l’appréhender comme un « style » politique.

Ce qui constitue l’idée populiste selon Rosanvallon, ce sont des idées nationaliste et protectionniste de la société, la vision d’un peuple qui fait bloc face à des élites et d’une démocratie directe entre le peuple et ses leaders.

Le populisme pense que ce qui fait la cohésion d’une société, c’est son identité. Une identité qui est toujours définie négativement à partir d’une stigmatisation de ceux qu’il faut rejeter : les immigrés, ou ceux qui ont d’autres religions (d’où la centralité de la question de l’Islam aujourd’hui, par exemple).

Pour les populistes, dans un contexte de changements accélérés (qui ont entraîné la mondialisation, la crise financière de 2008 et l’arrivée massive de réfugiés sur le continent) les partis traditionnels n’ont pas su fournir des explications satisfaisantes à un grand nombre de personnes qui se sentaient menacées.

Le populisme peut aussi faire l’objet de nombreuses nuances, cela dépend de la manière dont il est employé.

Un terme nuancé

Selon Nathalie Brack, professeure détachée à l’Université de Bruxelles, les idées nationaliste et populiste ont des points communs, dont l’opposition entre les élites et le peuple. Mais on peut être nationaliste sans être populiste, et inversement. Le nationalisme place la nation avant tout le reste. Ce dernier serait homogène alors que les élites, éloignées des citoyens, seraient corrompues.

Mais il y a des usages stigmatisants du terme « populiste », ce terme peut être considéré comme une insulte politique. Un parti ou un politicien est traité de populiste à partir du moment où il remarque que le pouvoir politique se sert de la pseudo-démocratie pour servir son propre intérêt plutôt que celui du peuple.

On a parfois tendance à assimiler le populisme à l’extrême droite, mais il est très différent d’un pays à un autre. En Europe, on observe une montée d’un populisme de gauche comme de droite.

Un mouvement à plusieurs formes selon les pays

En France

En France, le Front National apparaît comme le parti représentant le plus l’idée populiste, il se traduit par une réticence envers l’Europe en termes de légitimité, de protection (contrôle des frontières, immigration) principalement. En 2017, pendant la campagne présidentielle, Marine le Pen est au second tour face à Emmanuel Macron. La candidate du parti d’extrême droite arrive finalement deuxième avec 33,90% des voix. Elle gagne près de 3 millions d’électeurs par rapport au premier tour (de 7 678 491 à 10 638 475). Cependant, le parti passe de 2 à 8 députés à l’Assemblée Nationale, dont Marine le Pen elle-même.

Marine Le Pen. © Wikipedia

Depuis les élections européennes de 2014, le Front National apparaît comme un parti pouvant « bousculer » les partis traditionnels. En 2014, il arrive très largement en tête des élections européennes, avec 25,4% des voix, devant l’UMP (21,0%) et le PS (14,5%). Lors des élections régionales de 2015, bien que battu dans toutes les régions où le parti était présent au second tour, il a recueilli 6,82 millions de voix, battant son record du 1er tour des présidentielles de 2012 (6 millions de voix). Entre le scrutin des régionales de 2010 et celui de 2015, le FN est passé de 118 sièges de conseillers municipaux à 358, ce qui en faisait la 3ème force politique du pays.

Concernant Jean-Luc Mélenchon, même si son parti La France Insoumise n’a pas réalisé les scores attendus aux présidentielles (19,58%) et aux législatives (11,02%) de 2017, le parti reste néanmoins considéré comme à mouvance populiste dans la vie politique française.

En Italie

Lors des élections présidentielles de mars dernier, les partis antisystème, eurosceptiques et d’extrême-droite ont effectué une poussée historique dans le pays : le Mouvement 5 Etoiles de Luigi di Maio (mouvance populiste) est devenu le parti le plus important du pays avec 32% des voix, alors que la coalition Forza Italia (droite, menée par Berlusconi) et La Ligue de Matteo Renzi (extrême-droite) atteint 37% à eux deux mais c’est bien le parti 5 Étoiles qui obtient la majorité de députés.

Luigi di Maio. © France Info

Ces résultats inédits montrent un rejet de la vieille classe politique, une exaspération face au marasme économique et surtout une forte tension autour des migrants et de l’Union Européenne. Les italiens ont montré, à travers ce vote, leurs peurs face à l’incapacité de l’Europe de gérer l’afflux important de migrants dans le pays.

En Autriche

Cela fait maintenant depuis 15 ans environ que les partis d’extrême-droite et des nationaux/populistes réalisent des scores importants dans le pays. Ils se maintiennent au-dessus des 15% voire au-delà (entre 20 et 35%) depuis quelques années. Depuis 2016, Norbert Hofert, candidat à la présidentielle, a fait évoluer le discours du parti, en remplaçant les attaques xénophobes par une critique de l’immigration dans le pays. Le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) est considéré comme un parti central dans la vie politique autrichienne, grâce au nouveau président du parti, Heinz-Christian Strache. Il mène la campagne législative de 2017 et arrive troisième avec 26% des voix

Après une coalition entre la droite et l’extrême-droite (qui sont arrivés aux 2 premières places), le FPÖ obtient alors six ministres dans le gouvernement. Strache devient vice-chancelier et est en charge de la Fonction publique et des Sports.

Heinz-Christian Strache. © APA

En Allemagne

L’Allemagne a longtemps été protégée de ce phénomène populiste, pour des raisons historiques évidentes. Mais les scores du parti néonazi (NDP) en Allemagne de l’Est lui ont permis d’obtenir des représentants locaux. L’extrême droite en Allemagne a souvent été assimilée à des groupes mineurs prônant la violence, probablement entre la chute de l’URSS et et le début de la réunification allemande.

Des sympathisants du NPD. © EPA

Cette poussée extrémiste est liée par rapport aux inégalités de richesses entre l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est. Selon l’universitaire Stéphane François, « Le néonazisme apparait plutôt dans les régions industrielles, qui voient le déclassement et l’appauvrissement d’une classe populaire blanche. »

Le parti Afd (Alternative pour l’Allemagne, créé en 2013) propose à l’origine un programme centré sur des questions économiques volontairement critiques envers l’Europe. Pendant leurs campagnes, l’islam et l’immigration sont les cibles principales. Aux dernières élections, le parti obtient 13% des voix ce qui se traduit par 90 députés. Mais sa radicalité suscite de nombreuses divisions qui ferait fuir certains électeurs selon certains membres du parti.

Aux Pays-Bas

Les résultats de l’extrême droite au Pays-Bas sont assez irréguliers, mais malgré cela, la mouvance populiste est bien ancrée dans la politique néerlandaise. Le Parti pour la liberté (PVV) de Geret Wilders, dépasse régulièrement les 10% lors des dernières élections. Le parti traite de mesures anti-immigration et anti-européennes. En 2010, il devient la 3ème force politique du pays.

Lors des élections de 2017, Geert Wilders (président du parti) propose des mesures intenses : vente du Coran interdit, restriction de l’immigration, sortie de l’Union Européenne et fermeture des frontières. Ce programme fut un échec avec près de 13% des voix, il devient cependant la 2èeme force politique du pays avec 20 sièges au Parlement.

Geert Wilders. © ap

Le mouvement populiste en Europe s’est diversifié de façon considérable selon les pays, les mentalités, et la situation de chacun (politique, économique). La plupart des partis dits “populistes” ont évolué, représentant les situations de leurs époques et aux changements géopolitiques contemporains.

Laurent Di Fraja

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