Emile Friant, La Toussaint, 1888 (source : Wikipédia)

Sous la pierre – Partie 2

La 2e partie de mon feuilleton fantastique ! Bonne lecture !

Trois jours avaient passé depuis l’étrange phénomène. Andria et le curé se trouvaient de nouveau dans le petit cimetière après l’enterrement de Mme Bianchi. L’après-midi touchait à sa fin et il n’y avait pas un nuage pour briser la quiétude de cette vaste étendue d’un bleu glacé qu’était le ciel, ni un souffle de vent pour rafraîchir cette chaude journée d’avril. 

En passant près de l’allée où se trouvait la tombe, Andria n’avait pu s’empêcher de demander s’il serait possible d’y retourner, simplement pour vérifier que l’eau bénie et les prières avaient bien eu l’effet escompté. 

« Il n’est pas besoin, avait dit le curé, de vérifier si nos prières ont fait effet. Car comme tu le sais, le Seigneur qui est tout puissant peut tout voir. Je n’émets aucun doute quand au fait qu’il ait été témoin du phénomène et je suis certain qu’il aura accédé à nos prières. »

Cependant, le prêtre et Andria qui le suivait désormais comme son ombre, pour rejoindre la sortie du cimetière, s’étaient retrouvés dans l’allée de la tombe. Et quelle ne fut pas leur surprise de trouver, devant la fameuse tombe, une dizaine de personnes immobiles dans leurs vêtements sombres. Certains murmuraient des prières, se signaient, ou se contentaient de fixer la pierre tombale, l’air effrayé.

« Que se passe-t-il ? » Demanda le curé.

« C’est la tombe, mon père. » Répondit un homme qui tordait une casquette entre ses mains. « Nous passions par cette allée et tout à coup il y eu un bruit horrible, comme le tonnerre, et la tombe s’est ouverte … »

Il s’écarta pour les laisser voir : la pierre tombale était fendue en son milieu et sur toute sa longueur. La fissure n’avait qu’un pouce de largeur mais elle avait la forme peu commune d’un éclair. Le curé s’approcha, s’agenouilla près de la tombe.

« Une telle fissure ne peut venir que de l’intérieur, on ne pourrait pas casser la pierre de cette manière en étant à l’extérieur de la tombe », dit-il, et aussitôt, toute l’assemblée se signa en poussant des « Madonna » et « Diu ! » épouvantés. 

« Que devons-nous faire ? » Demanda une femme.

« Prier, répondit le curé. Nous devons prier. J’organiserai une messe demain. »

***

Comme chacun le sait, les nouvelles se propagent vite à Ajaccio et, le lendemain, c’était toute une procession qui défilait dans le cimetière pour voir la tombe fendue, déposer des bougies et murmurer des prières. Andria ne fut pas autorisé à retourner au cimetière mais il fit nombre de prières pour éloigner le Diable de la ville. 

On fit venir un mazzeru, puis un autre, mais ils ne purent faire beaucoup plus que le curé. Puis ce furent les savants de toute la ville et de tous les villages alentour qui vinrent examiner la tombe. Des photographes, des peintres, immortalisèrent la scène. En quelques jours, la nouvelle avait fait le tour de la région. 

Mais alors que l’on commençait à croire que les prières avaient été entendues, des phénomènes étranges commencèrent à se produire. Tout d’abord, une semaine après le bris de la pierre tombale, le gardien du cimetière, qui faisait une ronde avant de fermer les grilles pour la nuit, entendit une voix murmurer dans les ténèbres. Selon ses dires, la voix était comme un sifflement de serpent et chuchotait dans une langue inconnue aux sonorités dures qui n’était ni de l’Italien, ni du Corse, langues chantantes. Comme la voix semblait provenir d’un point près de la tombe brisée, le gardien ne s’approcha-t-il pas et ferma-t-il rapidement les grilles. Le lendemain à la première heure, il avertit les autorités, qui patrouillèrent tout le jour et toute la nuit, sans rien trouver d’inhabituel. 

Puis, trois jours après que le gardien eut entendu la voix murmurer près de la tombe, des passants entendirent un fracas abominable et se précipitèrent dans le cimetière, accompagnés du gardien armé d’une carabine. Celui-ci, pris d’un pressentiment, se dirigea directement vers la tombe brisée. Ce qu’y découvrirent les trois hommes les glaça de terreur : au pied de la petite croix de bois se trouvait un petit tas d’os humains, comme grignotés par une bête et vidés de leur moelle. En les examinant de plus près, ils s’aperçurent avec effroi que les empreintes de crocs laissés sur les ossements ne pouvaient être ceux d’un chien ou d’un renard, animaux courants de Corse, ou d’un quelconque autre animal connu, tant les entailles étaient profondes et espacées. Le gardien parcourut rapidement le cimetière et découvrit, dans une allée parallèle à celle de la tombe brisée, un tombeau dont la porte avait été arrachée de ses gonds et, en entrant, il vit que l’un des cercueils étaient ouverts.

Dernière partie la semaine prochaine !

Unsolicited Opinion

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