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Le maquis chic

Aaaah, l’été ! Tout le monde rentre au pays; on enfonce ses pieds dans le sable, un verre de blanc à la main; on mange du poisson frais au bord de la mer; on cueille des mûres le long des pierres sèches du village ou on se jette dans l’eau verte du fleuve; on admire les pluies d’étoiles filantes … On laisse le sel sécher sur la peau après la baignade et on admire notre joli teint cuivré, les cheveux éclaircis se portent ondulés comme au sortir de l’eau, les vêtements rétrécissent alors que les jours s’étirent … Tout semble converger vers ce moment de parfait alignement : L’ETE.

CC : moi

Mais, même si l’été est un moment normalement dédié à la détente, mon petit cerveau n’a pas pour autant cessé de fonctionner, car il faut bien que je vous livre quelques articles ! Alors, une fois n’est pas coutume, je vais vous parler de mes plus récentes réflexions concernant l’été en Corse …

Il y a peu, par une soirée caniculaire, cherchant l’entrée d’un hôtel du Cap en plein maquis, je suis tombée sur des instruments de musique surveillés par des videurs. Après explications, il s’est avéré que je me trouvais en présence d’une soirée Cap Mattei, avec DJ et musiciens. Sentant poindre la soif, j’ai décidé d’y faire un tour. J’ai franchi une trouée dans la végétation, marquée par des cassettes de plastique rouge empilées et décorées de fleurs des champs, pour déboucher sur un petit espace dégagé, avec cabane en bois peint en blanc, tonneaux, tables hautes et chaises longues fleuries, guirlandes de fanions rouges estampillés Mattei et loupiotes. Toutes les tables étant réservées (un concept que je n’arrive pas, malheureusement pour moi, à intégrer et à appliquer à mon quotidien), mon acolyte et moi nous sommes rabattus sur deux chaises-longues délaissées sous un olivier, face à l’entrée (la meilleure place, en fait). Sirotant mon Capo Spritz (pas donné) dans une grande éco-cup non consignée labellisée Mattei, j’ai observé le bal des clients, et surtout, des clientes. Bronzées, coiffées, maquillées, en talons hauts, jupes satinées et hauts pailletés, elles attendaient leur table en hésitant entre un Capo Spritz blanc et un Mojito. Je me suis fait la réflexion que ce désordre de maquis organisé était significatif. On était en plein maquis chic.

Alors, le maquis chic, c’est quoi ?

Bon, pour autant que je sache, je peux m’attribuer la maternité de cette expression, du moins en tant que concept, que je définirais comme la glamourisation du maquis. Un bon point pour moi.

Hôtel E Caselle, Venaco CC : toujours moi

Depuis quelques années, en Corse, la mode est au retour aux sources … mais toujours avec glamour. Comme au XVIIIe siècle, on admire la nature … et on la recrée, mais attention : avec ordre ou désordre bien pensé. Oliviers centenaires, murs en pierres sèches, cabanes en bois flotté, sable entre les orteils, tonneaux changés en tables hautes, bêlement des chèvres ou des ânes, et bleu de chine … rencontrent talons hauts, satin et bijoux, cocktails et musique à la mode. On idéalise, héritage du Riacquistu, ce maquis sauvage qui est tellement corse mais on le modernise, et surtout, on l’utilise. En effet, les créateurs et créatrices corses ne sont pas passés à côté du potentiel commercial des spécificités culturelles et environnementales.

Vêtements (avec depuis plusieurs années déjà le retour du bleu de chine, qui se porte désormais le soir à la paillote, et que certains n’ont pas hésité à customiser; ou, de plus mauvais goût, la fameuse doudoune/gilet pare-balles; ou encore l’apparition de marques comme Karma Koma et Benoa, qui jouent à fond la carte des soirées paillote dans leurs collections), bijoux (avec des marques comme Nanarella et les breloques oursins et plantes du maquis, ou la mode sans cesse revisitée du corail), cosmétiques et huiles essentielles, avec le développement tout particulièrement des produits à base d’immortelle), décoration (à coups de bougies parfum « maquis » censés rappeler Capo, de poutres apparentes et de paniers en rotin sur béton ciré) … toute l’année les créateurs et créatrices nous font penser cet été que nous attendons tant.

Crédits : Corse Matin

Un exemple de réussite : Mattei. Longtemps délaissé, le Cap Corse Mattei a fait son retour il y a quelques années, en même temps que le bleu de Chine, auprès d’une clientèle plus jeune, plus urbaine et plus festive. L’invention du Capo Spritz dans un hôtel de luxe a propulsé la boisson au niveau du classique Mojito dans les soirées paillotes. L’entreprise familiale a continué sur sa lancée en nous offrant un marketing des plus intelligents mélange de soirées thématiques et de produits dérivés au look rétro modernisé rappelant le maquis : chaises longues et éventails fleuris, petits verres à l’ancienne, et même casquettes. Pour parfaire tout cela, de nouveaux produits ont vu le jour : deux gins à l’immortelle et fleurs du maquis.

La mode est donc bien installée et prête à durer. Si le but est bien de vendre, il s’agit de vendre à une population corse qui est là à l’année, et non seulement à des touristes de passage, comme cela a été le cas pendant longtemps. Au-delà de ça, il me semble qu’on assiste à une nouvelle forme d’appropriation de leur culture par les corses, qui endossent (parfois littéralement) ce qui fait la spécificité de l’île, et rendent glamour ce qui autrefois n’était que rustique. Ce phénomène est-il une sorte de nouveau Riacquistu, à la fois commercial et culturel ?

Unsolicited Opinion

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