De l’épineuse question de la fidélité

« Peut-on être fidèle ? » En général, c’est ainsi que débute une chronique de magazine féminin ou un journal hétéro-homo-gender fluid. C’est un peu nul comme accroche et cent fois revus, si on se demandait plutôt : doit-on être fidèle ?

Immédiatement posée ainsi, cette question amène deux interrogations : fidèle à qui ? fidèle à quoi ? Simplifions. A qui ? Notre partenaire de couple (si vous n’êtes pas en couple, vous pouvez effectuer des coïts sans entrave philosophico-existentielle). A quoi ? Votre nature profonde, c’est-à-dire votre façon d’être au monde.

Théoriquement, à ce stade de la conversation, une personne va se sentir obligé de dire cela : « mais nous sommes des animaux les amis, on ne peut pas être fidèle, on a été programmé pour se reproduire et assurer la survie de l’espèce. » C’est un argument de merde. D’abord parce qu’il clôt toute conversation et tout argument clôturant est une erreur. Ensuite, honnêtement, est-ce une réflexion recevable ? Les animaux font caca dans la rue, moi non, j’espère que vous non plus. 

Le concept même de fidélité nous renvoie donc à l’autre et à nous-mêmes. Evacuons rapidement l’idée d’être respectueux envers l’autre, « je suis fidèle parce que je respecte mon mec » (vous notez que spontanément on associe respectabilité et féminité, comme si les mecs étaient naturellement des chiens affamés.) Vous n’êtes pas respectable. L’être humain ne s’est pas hissé au sommet de l’échelle alimentaire en étant respectueux. Nous sommes des enfoirés depuis Caïn et Abel a minima. La fidélité par respect pour l’autre n’existe pas, vous pouvez néanmoins être fidèle par respect à votre propre nature. En gros, la fidélité se joue entre soi et soi-même.

La question devient : doit-on être fidèle à sa nature ?

Bon évidemment, autant spoiler la fin, il n’y pas de bonne réponse hein…Mais on peut toujours étudier des cas. On pourrait alors croire que les cas les plus intéressants sont les infidèles car ils répandent une discrète odeur de sulfure et de chair transpirante mais s’intéresser au pourquoi de la fidélité des fidèles est finalement plus excitant. Car bien souvent, la fidélité repose sur une arnaque.

Vous avez tous des connaissances (on ne va pas dire ami pour ne viser personne…) qui sont fidèles en ménage mais qui au bout de quelques verres vous confessent leur irrésistible envie de tromper leur conjoint. Précisons ici qu’homme ou femme, c’est la même chose. Alors pourquoi ne pas donner libre cours à cette pulsion ?

Après des années nocturnes à fréquenter les bars, boites et after honteux, des années à écouter des coups d’un soir « en couple » (« c’est la première fois que je fais ça, je t’assure, je ne suis pas une salope ») et des mecs ivres morts/narines éclatées débiter l’intégralité de leur vie et déballer tous les secrets que je ne voulais pas connaitre, j’en suis arrivé à la conclusion, pas définitive bien sûr, que tout repose sur le contexte.

Imaginons, vous êtes en couple, vous vivez ensemble, vous travaillez. Vendredi soir bringue ajaccienne. Caleçon Hugo Boss nickel, vous êtes chaud. Vous avez passé la semaine à la salle de sport, physique professionnel. Les poches pleines, les copains beau-gosses comme vous. Vous finissez dans un bar qui présente l’avantage d’offrir une arrière-salle sombre et enfumée. Plein de meufs aussi. Et vous plaisez. Au bout du sixième verre, l’assertion « je respecte ma femme » vous parait complètement irrecevable, en revanche cette idée de « nous sommes des animaux, nous devons perpétuer l’espèce » devient un argument franchement fascinant. Pour résumer, votre cerveau est redescendu dans votre entre-jambe. Vous avez clairement envie de baiser. Même si, triste réalité, comme vous attaquez votre dixième verre, votre capacité à être érectile s’approche dangereusement du game-over. Donc, à ce moment précis où tout converge pour que vous soyez infidèle, pourquoi résistez-vous à la pulsion ?

« Mec, t’imagines si je me fais chopper ? Laisse tomber, on vient de prendre le crédit pour le Cayenne. »

Bon, on grossit un peu le trait même si j’ai déjà entendu cette phrase, lâchée telle quelle. Un régal. Imaginons que la même scène se passe avec les mêmes personnages mais hors de Corse, seriez-vous fidèle ? En somme, quelle est votre nature ? Infidèle ou fidèle pour des motifs économico-sociaux pragmatiques ? Et, par extension, qu’est-ce qui est le plus pathétique ? Demeurer fidèle parce qu’on est moche, parce qu’on a peur d’être vu (donc d’assumer, donc d’être un adulte), parce qu’on ne sait pas/plus draguer, parce qu’on ignore où s’envoyer en l’air après le bar, parce que l’on n’a pas de copain avec qui bringuer ou des collègues féminines un peu bonnes à racoler, parce que vu le prix des loyers dans le centre-ville mieux vaut le payer à deux, parce que on est pote avec la belle-famille (etc.) OU être infidèle et obéir à ses désirs ?

Si je devais choisir, je préfèrerais que ma femme me trompe parce qu’elle a envie de baiser plutôt qu’elle résiste à sa pulsion parce que je suis le Prince Charmant. Résister à sa nature, c’est transformer sa relation de couple en arnaque. Une franchise low-cost.

Vous vous souvenez de la question initiale, doit-on être fidèle ? Clairement, il vaut mieux être fidèle à sa nature, il y aurait certes beaucoup moins de couples mais tellement plus de sourires satisfaits…Mais n’oubliez pas l’autre versant : si votre nature est d’être infidèle, cela implique que vous soyez en couple…hey oui, l’infidélité présuppose le couple. Pas de couple, pas d’infidèle. C’est pour cela que des hommes et des femmes sont condamnés à vivre en couple pour l’éternité tout en trompant à grande échelle, ils sont fidèles à leur nature. Et éminemment plus sympathiques que les fidèles frustrés.  

Reste le dernier cas de figure. Vous êtes amoureux. Tout va bien. Évidemment, il vaut mieux que l’autre aussi soit…amoureux. Une histoire d’amour, ça se joue à deux.

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